chantier de nuit Saint Maur

Visite guidée d’un chantier de nuit !

Dans un précédent billet, je vous avais annoncé que je devais visiter le chantier situé à proximité de la gare du Parc de Saint-Maur avant la fin du mois. Au cours de ce chantier de nuit, qui a débuté le 6 mars et doit s’achever le 9 juin, plusieurs aiguillages et 700 mètres de voies ont été changés.

Je m’y suis effectivement rendue dans la nuit du 22 au 23 mai, en compagnie d’Ivan, un riverain qui m’avait interpellée sur le blog pour comprendre ce qu’il se passait sous ses fenêtres. Jacqueline Viscardi, maire-adjoint, et trois présidents de comités de quartiers de la commune, Anne Romain (quartier du Parc), David Couillaud (St Maur Créteil / Vieux St Maur) et Hervé Reicher (Champignol) étaient également présents.

Retour sur une visite tardive, mais assez exceptionnelle et particulièrement enrichissante!

 

Le rendez-vous était fixé à une heure du matin, devant la gare du Parc de Saint-Maur. Cédric, du département « Gestion Des Infrastructures » (GDI) de la RATP et Cyrill, responsable des travaux de nuit sur les voies situées à l’Est de la ligne A à partir de Gare de Lyon, nous y attendaient pour nous accompagner et nous expliquer le déroulement des opérations.

En quelques mots, GDI, qui assure donc le pilotage de la mission de gestionnaire d’infrastructure au sein de la RATP, réunit près de 1 900 agents, dédiés à l’entretien et à la rénovation des lieux et des équipements des réseaux. Très concrètement, cela signifie que ce département a la responsabilité de :

  • 280 km d’ouvrages souterrains, 30 km de ponts et viaducs, 455 ventilateurs de désenfumage (réseaux métro et RER), 870 escaliers mécaniques
  • 1 175 km de voies et 2 231 appareils de voie (réseaux métro, RER et Tramway)
  • 10 085 signaux (réseaux métro et RER), 54 postes de manœuvre en terminus et 26 dans les gares RER, les équipements de sécurité ferroviaires lié à l’automatisme des mouvements des trains (pilotage automatique)
  • la disponibilité de l’ensemble de l’énergie pour la RATP, soit 1,44 milliard kWh par an, 7 Postes Hautes Tensions, 2 000 km de câbles électriques 15 000 V, 241 postes de redressement et 450 km de caténaires, 356 postes éclairage force.

Bon, a priori, ils ne s’ennuient pas … Et c’est bien ce que l’on a pu constater pendant cette visite !

 

Bien équipés et bien briefés pour la visite

En attendant l’interruption totale du trafic sur la ligne, qui intervient après 1h30, nous avons pu commencer à échanger avec nos guides, chacun avait des questions sur le chantier et j’avais même apporté avec moi les questions que vous m’aviez posées sur le blog (Pour consulter mon commentaire publié au lendemain de la visite : cliquez ici).

 

Nous en avons également profité pour nous équiper de chaussures de sécurités, gilets rétro-réfléchissants, lunettes, casques et lampes torches, obligatoires pour pouvoir accéder à la zone de travaux !

« Il s’agit d’un gros chantier comme celui qui est réalisé pendant l’été sur le tronçon central, nous a précisé Cyrill, On remplace tout le ballast [c’est-à-dire les « cailloux » sur les voies*], les traverses et les rails sur une portion de voies de 700 mètres environ.

La plage horaire réservée chaque nuit pour les travaux est fixée entre 1h et 4h30 du matin, c’est-à-dire quand on ne transporte plus de voyageurs. Mais, en réalité, on dispose de 3 heures seulement chaque nuit, parce qu’il faut du temps pour acheminer tous les trains et matériels sur place !  Cela fait perdre pas mal de temps… Mais si on effectuait les travaux en une seule fois, il faudrait arrêter la circulation du RER A pendant plusieurs jours sur cette partie de ligne… Et ça, il n’en est pas question.»

 

Travailler vite et bien !

On ne fait pas n’importe quoi, sur une zone de chantier, il y a des règles de sécurité à respecter comme, par exemple, « la couverture » qui vient signaler la zone de travail… Après nous avoir rappelé les consignes de sécurité, et mis les équipements de sécurité (chaussures, gilets casques), nous sommes finalement descendus sur les voies.

Sur les voies, une vingtaine de personnes travaillaient autour de plusieurs postes très différents. Des ouvriers étaient occupés un peu plus loin à la pose du rail à l’aide d’une machine, appelée « tirefonneuse ». D’autres encore, installaient de nouveaux aiguillages. On soudait, on coupait, on meulait, on tassait… Chaque groupe s’affairait avec une extrême précision à l’exécution de sa tâche ! On ne chôme pas sur un tel chantier, parce qu’en trois heures il faut avancer et être à l’heure pour rendre la voie à l’exploitant, c’est-à-dire pour que les trains de voyageurs circulent à nouveau à l’heure prévue !

Cyrill : « Sur un chantier comme celui-ci, il faut faire très attention aux manœuvres des trains de chantier, comme le train effectuant le bourrage lourd, « la bourreuse », qui fait vibrer le ballast pour bien tasser la voie et pour que la structure reste bien stable et à niveau. C’est notamment cette opération qui fait que l’on ressent des vibrations à proximité du chantier durant les nuits de travaux, mais il n’y a pas d’autre méthode possible pour changer les voies et le ballast, malheureusement.

Nous avons bien conscience du fait que tout cela est bruyant pour les riverains, mais il faut savoir que ce type de travaux de renouvellement est effectué seulement une fois tous les 30 ans. Ensuite, pour ce qui est des klaxons, le conducteur est obligé de signaler chaque mouvement de son train. C’est pénible -même pour nous qui sommes juste à côté-, mais c’est règlementaire pour éviter qu’une personne ne soit pas surprise et se trouve juste derrière le train quand il commence à rouler ! »

Une visite au plus près du chantier, pour observer le passage de « la bourreuse ».

Une visite au plus près du chantier, pour observer le passage de « la bourreuse ».

Un monde à part

Sur le chantier, j’ai rencontré Jérôme, qui travaille depuis 12 ans à la RATP sur les chantiers de nuit. Il m’a consacré un peu de temps pour me parler de son métier. « Je suis entré en tant que poseur de voie, ensuite je suis devenu soudeur, puis technicien. J’ai gravi tous les échelons en passant des formations en interne. Aujourd’hui, je suis manager de proximité et avec 4 autres collaborateurs nous gérons une équipe de 35 personnes à l’attachement de Nogent. On les envoie sur les différents chantiers qui se passent chaque nuit dans notre secteur (toute la partie Est de la ligne A jusqu’à de Gare de Lyon).»

Par exemple, cette nuit, sept chantiers avaient lieu en même temps que celui-ci ! Et c’est une moyenne car en réalité, tout au long de l’année : qu’il pleuve ou qu’il vente, il y a des chantiers toutes les nuits.

« La nuit, on vit en décalé, on travaille à l’extérieur, le rythme est assez intense ! On commence à 22h30 pour préparer les chantiers (briefing, préparation et acheminement du matériel…), et on quitte le service à 6h30 (debriefing, puis astreinte jusqu’à l’arrivée de l’équipe de jour). Malgré tout, c’est notre choix. C’est sûr qu’on voit moins nos conjoints comme les couples « normaux », mais d’un autre côté, quand les enfants étaient encore petits, je les déposais à l’école, je dormais et je pouvais passer du temps avec eux l’après-midi. L’autre avantage c’est qu’on n’a pas de problèmes d’affluence dans les transports ou de bouchons ! »

 

Témoignages

« Je n’avais pas d’idée de ce que pouvait être un chantier de ce type, m’a précisé M. Couillaud. Je découvre un autre monde, notamment les différents corps de métiers présents en même temps et surtout la technicité avec laquelle ils travaillent. Les soudeurs m’ont particulièrement marqué, aussi parce que c’est très visuel de nuit. »

Finalement, cette visite nous a tous beaucoup impressionnés. Et malgré l’heure tardive, notre petit groupe s’est séparé avec le sourire et très satisfait d’avoir pu trouver des réponses à toutes les questions qu’ils pouvaient se poser sur ce fameux chantier.

Et parce que cette visite je l’ai surtout organisée pour vous, lecteurs du blog, et pour les habitants de Saint-Maur, en particulier, pour vous expliquer à tous le pourquoi du comment de ce chantier et ce qu’il se passe d’une manière générale dans les coulisses du RER A : j’ai choisi de laisser la parole à Ivan, qui a à la fois vécu le chantier sous ses fenêtres depuis le début du mois de mars, mais qui a également eu l’opportunité de voir ce qui s’y passait de l’intérieur. A l’avenir, j’espère que nous pourrons organiser d’autres visites de ce type sur la ligne, pour répondre de manière très concrète à vos interrogations.

 

LE TÉMOIGNAGE D’IVAN :

Voyageur quotidien sur le RER A, j’ai déposé un message sur le blog, en mars 2017, pour obtenir des explications relatives à des nuisances sonores apparues récemment au passage des trains, près de la gare du Parc de St Maur, où je vis depuis près d’un an. Sophie m’apprend alors qu’un chantier de renouvellement des voies et des aiguillages s’y déroule, chaque nuit, jusqu’au 9 juin 2017. Quelques semaines plus tard, Sophie me recontacte par mail pour participer à la visite du chantier, j’ai accepté bien volontiers l’invitation.

Ma présence m’a notamment permis d’interroger le personnel sur ma préoccupation initiale : les vibrations et les « claquements ». Outre le bruit de la « bourreuse » dont vous a parlé Sophie, j’ai pu en observer les causes de manière très précise : un joint provisoire qui assemble deux rails successifs. Ce joint est ainsi installé sur chaque rail. Il y a donc deux joints par voie. Avec un joint provisoire, un tout petit espace subsiste entre les deux rails qu’on cherche à relier. Au passage d’un train, le choc des roues sur cet espace génère des vibrations. Malgré tout, le joint provisoire est nécessaire pour permettre au rail de s’adapter aux contraintes mécaniques. L’étape suivante est la soudure définitive grâce au versement d’un métal en fusion dans un moule placé entre les deux rails à souder. La soudure faite, l’espace libre entre les deux rails disparaît. Les deux rails ne forment plus qu’un et les vibrations cessent. Les soudures sont ensuite vérifiées par des contrôles visuels et radiographiques.

La visite m’a également permis de découvrir les appareils de signalisation disposés à côté des voies et de mieux comprendre l’origine des pannes de signalisation. À chaque anomalie, quelque qu’en soit la cause (câbles sectionnés, mauvais contact électrique …), les feux de signalisation passent au rouge et le trafic est interrompu. Une équipe d’intervention doit être dépêchée sur place pour identifier la cause du dysfonctionnement. La durée de l’intervention dépend évidemment de la cause de la panne.

Enfin, j’ai découvert la présence et le rôle d’un « contre-rail » qui est installé sur les aiguillages dans le passage qui relie les deux voies. Il guide le train lorsqu’il change de voie et permet ainsi d’éviter tout risque de déraillement.

Cette visite de chantier fut donc instructive et enrichissante. J’adresse tous mes remerciements à tout le personnel présent lors de cette visite toujours disponible pour répondre à mes questions. Je remercie Sophie, responsable du blog, qui a organisé cette visite et la RATP qui a autorisé cette opération, je serais ravi de pouvoir participer à d’autres initiatives semblables !

 

 

* Le ballast transmet les efforts engendrés par le passage des trains au sol, sans que celui-ci ne se déforme par tassement.

 

Petit bonus comme promis : une vidéo d’un autre chantier de nuit à Vincennes sur la ligne A, pour mieux illustrer mon propos

 

 

Partager cet article

Laisser un commentaire

Consultez la charte du blog